Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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Cette situation d'esprit, avec le coup de feu qui lui avait traversé l'estomac, ne laissait plus aucun doute sur l'issue fatale que nous redoutions. Nous perdions en lui le soldat le plus valeureux et le plus humain des chefs. Je souhaite que la famille Vonderweid, à Fribourg, connaisse un jour Paffection et l'admiration qu’il inspirait à tous ceux qui l’ont connu. Ne pouvant prendre aucune espèce d’aliment, il s’affaiblissait d'heure en heure.

Le matin, il voulut partir avec nous, après avoir essayé de manger notre modeste soupe. Mais, chemin faisant, nous fûmes convaineus que notre excellent chefallait expirer. Nous le primes dans nos bras, nous l’appelâmes, tout fut inutile! Au premier gîte, nous trouvâmes une grange. Près de là, sous un arbre, nous lui rendimes les derniers devoirs ! Ce fut, pour moi, un bien triste et douloureux moment; car je n’oublierai jamais ce que notre digne chef avait fait pour moi, lorsque je fus blessé à la Bérésina.

Le jour suivant, nous arrivâmes à Vilna : c’est là que nous perdimes encore notre compagnon d’infortune Hopf. Il fallait être de fer pour résister au froid excessif qu’il faisait alors. Nous n'avions,