Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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mettre en route, nous découvrimes, à notre grande surprise, que nos traineaux, laissés devant la grange, nous avaient été volés. Ne sachant que devenir, je priai mon frère de faire les recherches les plus actives pour nous en découvrir un. À force de démarches, il trouva un domestique bavarois, qui en avait un à sa disposition chargé de porte-manteaux. Je lui promis une somme assez ronde. Mon frère se mit avec moi dans le traîneau, et nous allions partir, quand je vis mon pauvre soldat Dupuis se traîner auprès de moi et me dire. : « Je ne vous accompagnerai pas, capitaine ; je ne puis aller plus loin, j'ai les mains et les pieds gelés ; il n’y a plus rien à faire qu’à mourir! » Et, en même temps, il secouait ses pauvres mains gelées, qui résonnaient comme des morceaux de bois que l’on aurait frappés les uns contre les autres. |

Je suis encore profondément ému en pensant à ce fidèle soldat, mort si cruellement à la fleur de l’âge.

Notre conducteur avait hâte d'avancer, car nous avions toujours les Cosaques à nos trousses. Nous devions être menés jusqu’à Kowno, lorsque notre conducteur, gêné dans cette route encombrée, me