Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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route comme ils avaient pu. Cette nouvelle, à la pensée de mon malheureux frère, me donna la plus vive inquiétude; il avait la fièvre, un pied gelé, et il était tellement faible, que je ne pouvais pas croire qu'il résistât à tant de souffrances, malgré sa vigueur et son énergie.

L’après-midi, ne sachant plus à quel saint me vouer, je me fis transporter à l’hôpital. Le convoi qui m'y conduisait avait quelque chose de fort divertissant. Mon bourgeois était le ramoneur en chef de la cité. Il me fit jucher sur une voiture, traînée par deux apprentis ramoneurs et poussée par un autre. À droite et à gauche de la portière, étaient le maître-valet et le chef lui-même ; mes deux voltigeurs fermaient la marche... Ce cortége nouveau fit trêve pour un moment à mes inquiétudes, car, après tout, j'allais m’installer à hôpital. On m'avait réservé le lit de mon infortuné frère. Je voyais autour de moi beaucoup d'officiers blessés et à l’agonie. Tout cela me donnait le frisson. Mais, à peine étais-je arrangé avec mon mince attirail, que l’un de mes voltigeurs vint me dire tout bas à l'oreille qu’il fallait m’habiller au plus vite. « Sont-ce les Cosaques? — Non, me répondit-il, une voiture nous attend dans la

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