Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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vrai, les grenadiers, rentrés en France longtemps avant nous. Dans ces 315 hommes, j'étais fier de compter 200 Vaudois, qui ne voulurent jamais quitter leurs officiers et leur drapeau. Honneur à eux! honneur à leur fidélité! Sans me flatter, je puis dire que c’est à mon ami Prudhomme et à mes efforts qu’est dû ce résultat. En dépit d’indignes persécutions, nous n’avons perdu que sept soldats vaudois, encore durent-ils céder à la force.

Un soir que ces misérables cherchaient à nous surprendre, jen vis arriver un certain nombre. La sentinelle cria : « Qui vive? » Ils répondirent : «Amis!» J'avais défendu de leur permettre, sous aucun prétexte, de monter à bord; mais, sans s'inquiéter de mes ordres, ils sautèrent sur le pont, comme s’il se fût agi d’un abordage. Me trouvant prêt, pistolets à la ceinture et le sabre à la main, je résolus de me venger. Les drôles voulaient me jeter à fond de câle: il fallait en finir et leur donner une leçon. D’un coup de pistolet, je fis sauter la cervelle à celui qui me menaçait, et, mon sabre à la main, je mis en fuite tous ces scélérats. Voyant ma résistance, ils se jetèrent pêlemêle dans leurs canots. Quand mes camarades