Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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champ de bataille, témoignaient assez des pertes cruelles que nous venions de subir.

Polotsk fut brûlée. Nous eûmes le temps d’emporter nos munitions, des vivres en abondance, et surtout d'emmener un parc de bœufs magnifiques. Le général russe traversa la Dwina et escarmoucha continuellement avec notre arriéregarde. Il nous restait près de 16,000 hommes, qui ne Suffisaient que diflicilement pour tenir tête aux corps de Steingel et de Wittgenstein. Il est vrai que les Russes avaient aussi perdu beaucoup de monde à la bataille de Polotsk, et que notre artillerie et nos baïonnettes avaient sensiblement éclairci leurs rangs. Leur entrée dans Polotsk, au moment de l’incendie, leur avait fait perdre une partie de leurs meilleures troupes, de manière que notre retraite s’opérait en bon ordre.

Le général Merle mit à l’ordre du jour notre conduite devant Polotsk, et nous accusa seule ment d’avoir eu un peu trop de bravoure et d’entrain. L’historien Thiers parle de nous en termes moins flatteurs, et il nous accuse (ce sont ses propres paroles) d'avoir péché par trop d'ardeur. Péché par trop d'ardeur ! le mot est joli, M. Thiers!