Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle
INTRODUCTION. 3
torique, un sophiste mercenaire, un conférencier nomade dont la parole se louait comme celle d’un acteur de passage? Dans la décadence des croyances païennes, dans la grande déroute des dieux de l'Olympe, alors qu'une religion s’évanouit et que celle qui doit la remplacer n'a pris encore qu'un timide essor, Lucien personnifie le doute universel, l'incrédulité la plus profonde et un parfait dédain pour tout ce qui ressemble à une conclusion morale.
Cette race de cyniques convaincus n’est pas spéciale à l'antiquité. Le xvr° siècle abonde en écrivains satiriques qui ne songent pas, et pour cause, à faire la distinction du bien et du mal; en peintres de mœurs qui peignent pour le plaisir de peindre, comme Brantôme, ou pour battre monnaie, comme l'Arétin. Le fléau des princes se vantait d’avoir su se créer avec une bouteille d'encre et une main de papier 2000 écus de rente. Tous les grands de la terre s’avouaient ses comptables. Tremblants devant cette terrible puissance du satirique, François °°, Charles-Quint le comblaient de présents. Il prenait toujours, d'une main tendue incessamment; et, dès que la somme promise était encaissée, le ton changeait aussitôt et devenait arrogant. « Ne soyez pas surpris si je garde le silence, » répondait Arétin à un tré-