Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE ET LE DUC DE CHARTRES. 225

devant une nombreuse assistance : « Il ne faut pas contredire Monseigneur : il connaît beaucoup mieux les signalements que les signaux. » Et, lorsqu'il monta dans le ballon des deux Robert, la duchesse de Vergennes dit ce mot : « Apparemment M. le duc de Chartres veut se mettre ainsi au-dessus de ses affaires. » Comme l'aérostat s'élevait trop haut, le duc fut saisi par le froid et fit éventrer le ballon pour redescendre plus vite. Malgré les rames et le gouvernail de l'appareil, il s’abattit brusquement dans un étang. On chansonna :

Chartres ne se vouloit élever qu’un instant;

Loin du prudent Genlis, il espéroit le faire :

Mais, par malheur pour lui, la grêle et le tonnerre Retracent à ses yeux le combat d'Ouessant.

Le prince effrayé dit : Qu'on me remette àterre; J'aime mieux n'être rien sur aucun élément.

Dans une autre complainte, on plaisante plus amèrement encore sur sa chute piteuse :

Mais quel soudain revers, hélas!

Ne vois-je pas mon prince en bas?

Comme il est fait! comme il se pâme!

On dirait qu’il va rendre l’âme.…..

— L'âme? oh! qu’il n’est pas dans ce cas! Peut-on rendre ce qu’on n’a pas?

Le duc sentit l'opportunité de se soustraire à tant de quolibets et d'outrages et fit part