Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle
MORANDE LIBELLISTE. 23
On sait où en était la situation intérieure de notre pays vers la fin de 1771. Veuf de la reine depuis trois ans, Louis XV, à qui la mort de Me de Pompadour ne causa même pas un moment d'émotion, n'avait pas tardé à charmer par desdistractions de plus en plus dégradantes son éternel ennui. Dédaignant M"° de Grammont, la sœur de Choiseul, il avait pris de
de la province « quien avait des cahiers ». Néanmoins il ne s’en servit pas et laissa partir à Paris le jeune écervelé en 1764. Mais l'ex-dragon se mit à courir les tripots et à faire des dettes. On l’enferma aux Cordeliers, chez les Pères de l’ordre de Saint-François. Deux fois il s’'évade, puis se réconcilie avec son père; mais, au mois de mai 1764, il quitte de nouveau Arnay-leDuc et fait sa rentrée à Paris. Sa vie de désordres recommence. Il enlève à M. de Flesselles Mie Danezy, ce qui le fait enfermer au Fort-l'Évêque, sur l’ordre de ‘M. de Sartines et avec l’adhésion de Theveneau père. Du Fort-l’Évêque il est transféré au château d’Armentières. Son père ne l'en laïsse sortir qu’au bout de 18 mois. À peine libre, Morande écrit une ode contre M. de Saint-Florentin, échappe, grâce à son audace, à l’exempt Marais, chargé d’arrêter l’audacieux rimeur, s'enfuit à Liège et de là à Bruxelles, puis à Ostende d’où il gagna l’Angleterre.
Telle est, en résumé, l’histoire de la jeunesse de Morande, d’après son propre témoignage. En tenant compte de l’indulgence du pamphlétaire pour luimême, on voit que sa conduite, en tout état de cause, avait été détestable, et que les notes de police publiées par Manuel ne sont pas plus calomnieuses que les notes et les rapports de l'inspecteur Marais.