Trois amies de Chateaubriand

TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND 3

où soit votre tendresse cachée comme l’est une âme dans un corps, alors voilà une œuvre d’art.

Concluons que l’art est une hypocrisie charmante, Il n’est point d'art sans hypocrisie. L'art est le voile derrière lequel se dissimule une pudique individualité. L'artiste qui a fait une œuvre d’art ne songeait ou ne devait songer — qu’à elle et non pas à lui. S'il songeait à lui, c’est pitié! Plutôt, j'aime à supposer que cette œuvre lui fut. une occasion de. s’absenter de lui-même et comme un exercice auquel il occupait sa pensée et ses doigts afin de les distraire d’un émoi trop vif ou d’une alarme

trop poignante. Plus était vif l’émoi, poignante cette

alarme et opiniâtre l'effort de s’en distraire, plus Fœuvre sera, sans doute, magnifique. Et, de toute la souffrance dissimulée ainsi avec une fière pudeur, il restera certes à l’œuvre des lambeaux... Ce que je dis de la souffrance, je le dis aussi du bonheur... Mais, quand l'artiste a voulu cacher derrière l’œuvre. et au moyen de l'œuvre sa joie ou sa misère et disparaître, glorifié de superbe facon, de quoi ont l'air les chercheurs de son cœur? Les pauvres gens, et qui font une inquiétante besogne!.…..

Il faut laisser l’œuvre d’art toute seule et comme orpheline. | ;

Que serait belle une œuvre à laquelle on aurait ménagé un vaste environnement de solitude et qui émergerait d’un immense désastre, — oui, du désastre de la mort individuelle, — comme en un