Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

80 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

l'admettant dans son intimité, le marquis avait agi avec sa franchise habituelle, en homme qui se soucie peu des distances sociales ; mais la familiarité des grands a toujours, même à leur insu, quelque chose d’insolent et de dédaigneux. Chévetel en avait-il été froissé, ou sa nature envieuse le prédisposait-elle à supporter impatiemment l'inégalité de fortune et de situation qui le séparait de la Rouërie ? Ce qui paraît certain, c'est qu'il le détestait : le portrait qu'il a tracé de lui le prouve : il le dépeint « tenace, ambitieux, avide de commandement !,» et c'est dans cette animosité peut-être qu'il faut chercher la cause du rôle que Chévetel consentit à jouer.

S'il n'avait communiqué à personne les secrets que le marquis lui avait confiés à son retour de Coblentz, c’est qu'il n'avait nul profit à parler. A qui, d’ailleurs, les divulguer ? — A ses amis du district des Cordeliers ? — Mais la révélation demeurait pour ceux-ci sans intérêt pratique, car, tant que la monarchie subsistait, ils ne pouvaient, sans nuire à leur propre cause, publier le mécontentement des provinces réfraclaires aux doctrines révolutionnaires.

Chévetel préféra donc se taire : non point, comme il l’a prétendu, qu’il n’attachât aucune

1, Récit de Chévetel.