Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LA CONJURATION BRETONNE 79

par inattention sans doute, le distrait homme d’État signait en toutes lettres : de Calonne!.

Tuffin reprit le chemin de France, après avoir cependant touché 15.000 livres, que Calonne envoyait à la conjuration, non pas en numéraire, mais en bons de la Caisse d’Escompte, qui perdaient alors, au change, près de la moitié de leur valeur. Quelque insouciant et léger que fût l’émissaire du marquis de la Rouërie, il comprenait bien que ces papiers, négociables peut-être chez quelque agioteur parisien, ne seraient plus bons, s'il les apportait en Bretagne, qu'à bourrer les fusils des gars. La difficulté était de trouver un escompteur qui consentit à hasarder l'opération: Tuffin ne connaissait personne à Paris.

_—_ « Parbleu, se dit-il, l'ami Chévetel me renseignera. » Et il se rendit à l'hôtel de la Fautrière.

Le docteur, non point par conviction politique, mais par suite des circonstances qui l'avaient rapproché de Danton et de ses partisans, avait rompu tout lien avec son passé. Du reste, il n'avait jamais aimé la Rouërie. Il éprouvait, au contraire, pour lui une de ces haines sournoises, faites de rancune et de dissimulation, la haine du serf contre le noble, de l’obligé envers son bienfaiteur. En

4. Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° XVIII. — Archives nationales, W, 2174. La lettre est datée de Schœænbornlust, le 4 octobre 1191.