Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LA CONJURATION BRETONNE 81 importance aux propos du conspirateur, mais parce que, après tout, on ignorait encore, en 1791, auquel des deux partis en lutte resterait la victoire définitive. Si la Révolution triomphait, il serait alors temps de révéler à ses amis, arrivés au pouvoir, les menées de la noblesse bretonne : dans l'hypothèse contraire, il profilerait tout naturellement de la situation que le hasard lui avait faite et compterait au nombre des plus chauds défenseurs du parti de la cour. Ce lâche calcul peint le personnage. Il lui importait, on le comprend, d’être bien renseigné. Il accueillit donc Le jeune Tuffin et n'eut pas à le presser beaucoup pour obtenir toute sa confiance. Celui-ci en raconta « autant que le docteur voulut en savoir! ». Ille plaisanta sur son habit de garde national, railla les jacobins. exalta l’émigration, pronostiqua la pendaison immanquable de tous les sans-culottes et détailla l’organisation de la conjuration de Bretagne. Chévetel « pensa que Tuffin amplifiait, ne pouvant croire qu'on eût confié à cet étourdi des secrets de cette importance? »; néanmoins il se garda bien de l'interrompre, il le reçut plusieurs fois et ne le

1. Récit de Chévetel.

2. Récit de Chévetel. Voir, au sujet de cette pièce, primitivement publiée par M. Bord dans la Revue de la Révolution, cidessous, page 152, la note.

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