Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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à Launay, un document d'une si pittoresque authenticité qu'il serait regrettable de ne point le citer intégralement : c'est le récit de M"° de Langan, qui, presqu'une enfant à l'époque de la Révolution, vit ces choses tragiques avec des yeux si jeunes qu'en les évoquant dans sa vicillesse elle les retrouvait amusantes et joyeuses encore du reflet de ses seize ans.

Quel plaisir, dit-elle, que de prendre part à une aventure si romanesque et d'être initiée à un pareil secret. Aussi je me souviens combien j'étais fière et combien je prenais de précautions inutiles pour me donner un air d'importance. Assurément, si nous eussions été observés, mon air mystérieux nous eût perdus; mais, comme tout le monde était dans le secret, mes soins indiscrets n'étaient que risibles.

On logea M. de la Rouërie dans la grande chambre, près le salon, dont la porte resta fermée de manière à ce que ce côté-là de la maison lui était consacré et semblaitinhabité, car on n’ouvrait jamaisles jalousies. Deux jours après, nous déjeunâmes avec MM. Tuffin (neveu du marquis) et Chafner, qui, après avoir passé deux jours à Villiers, se rendirent chez M"° de Bourgon, au Bois-Blin, où ils restèrent cachés sans jamais revenir à Villiers. Toutes les nuits il arrivait des courriers ou des principaux chefs qui avaient une manière particulière de se faire connaître et qui étaient introduits par le grand perron.-Nous les voyions à déjeuner. Je me souviens de MM. du Pontavice, Vincent, Rallier et le Bouteiller. Ce dernier venait très souvent et possédait toute la confiance de M. de la Rouërie.