Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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qu'il avait cueillies dans le jardin, demanda du fil, s’assit devant une table et se disposa à nous faire des bouquets. M de Montigny le regarda et dit : —« Vous aurez beau faire, vous ne serez jamais aussi habile que M. de la Rouërie. Vous n'avez jamais entendu parler de ce fou-là à Bordeaux ? Figurez-vous qu’il a payé très cher une bouquetière pour lui apprendre à faire des bouquets. C’est le même qui est allé s’enfermer à la Trappe, qui en est sorti au bout de quelques jours pour aller faire la guerre en Amérique. Tout cela fit beaucoup de chagrin à son grand-père, qui était un brave amiral...

— Amiral! dit M. de la Rouërie, je vous assure, Madame, que mon grand-père.

— Mais qui vous parle de votre grand-père? dit la dame en riant. Votre grand-père n'était pas M. de la Belinaye, et, heureusement pour vous, vous n'êtes point le marquis de la Rouërie, la plus mauvaise tête de Bretagne et qui s'occupe encore de je ne sais quelle affaire, qui l’oblige à se tenir caché. Je ne comprends pas qui pourrait se fier à lui!. »

Les habitants de Villiers vivaient dans de continuelles inquiétudes. Un jour M. de la Rouërie déjeunait tranquillement dans la petite salle à manger; deux gardes nationaux entrèrent tout à coup dans le corridor. M. de la Rouërie eut d’abord l’idée de s'échapper par une porte vitrée, qui dégageait cet appartement du côté de l'étang ; mais, voyant ces étrangers entrer de suite dans la salle à manger, il saisissait un couteau pour vendre du moins sa vie quand il reconnut dans les deux prétendus patriotes MM. du Pontavice (c'était,

4. Ici s'arrête le manuscrit de M'° de Langan ; les souvenirs qui suivent ont été recueillis par un de ses fils en un livre de famille que possède M. le vicomte de Bouteiller. V. Journal de Fougères, 1892.