Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

160 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

confidence ne fit naître aucun soupçon. Bien au contraire la Rouërie se félicita de cet appui inespéré; la duplicité du Ministre ne lui inspira pas peut-être pleine confiance; mais de cela il se souciait peu: ce gentilhomme pouvait-il croire à l'importance d'un Danton! Le point capital à ses yeux était la mission de Chévetel, qui lui donnait la haute main sur les troupes régulières de la contrée, en lui permettant de les déplacer à son gré et d'écarter ainsi toute résistance à sa marche sur Paris.

Ce qui prouve avec quel aveuglement le crédule chef de la conjuration bretonne tomba dans le piège qui lui était tendu, c'est qu'aussitôt, comme si ce qu'il venait d'entendre eût redoublé sa funeste confiance en Chévetel, il admit celui-ci au conseil de l'association, et le dépècha à Jersey pour hâter l'envoi des fusils et des munitions nécessaires à l'entrée en campagne et que Botherel retenait dans l'attente d'une occasion sûre de débarquement clandestin. Chévetel prit la mer à Saint-Malo, trouva l'ile remplie d’émigrés prêts à rallier au premier signal l’insurrection bretonne : il joua si habilement son double rôle que, sans éveiller la méfiance des nombreux amis de la Rouërie cantonnés à Jersey, flattant Botherel, se faisant bien voir des Anglais, il parvint à obtenir du sousgouverneur de l'ile l’embargo sur le navire chargé