Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

164 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

un dernier et facile effort: en vain le comte d'Artois se fait fort d’emporter, à la tête de la noblesse, l’arüllerie de Kellermann... le roi de Prusse, sourd à ces objurgations, reprend la route du Rhin. Et les émigrés, cantonnés à Saint-Remy, à Suippes, à la Croix-en-Champagne, apercevaient dans la plaine les clochers de Châlons, cette terre promise, où leur entrée devait être le signal du soulèvement lant escompté!

Ils durent suivreleur allié et se retirer, la rage au cœur. Pour la seconde fois un fatal enchainement des hasards accablait la cause royale: déjà, en ce même pays d’Argonne, Louis XVI, fuyant vers la frontière, avait été arrêté à cinquante mètres du pont de Varennes, au-delà duquel il eût été sauvé : aujourd’hui l’armée des Princes s'arrètait, à deux heures de marche du but où elle devait trouver la victoire; car, dans l’affolement où vivait Paris, l’annonce simultanée de la prise de Châlons et de la rébellion des provinces de l'Ouest aurait à coup sûr occasionné une panique qui pouvait être la fin de la Révolution. Lorsqu'il endigua l'invasion, Danton ne vainquit pas seulement la Prusse, il abaltit du même coup la coalition bretonne.

La retraite des émigrés fut un désastre ; tous, maintenant, maudissaient cette guerre si gaiment engagée et si tristement finie. Tous se demandaient ce qu'ils allaient devenir. Les neuf dixièmes