Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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d’entre eux élaient réduits à demander l’aumône; dès le départ de Verdun, quelques-uns implorèrent le secours des plus riches. Chateaubriand, qui faisait partie de ces bandes désolées, affaibli par la dysenterie, en proie au plus violent désespoir, voulut rester dans la terre labourée où il enfoncçait jusqu'aux genoux et y mourir; ses compagnons durent l’arracher de cette boue et l’entraîner avec eux. « On ne rencontrait, dit-il, que des caissons brisés, des affüts et des canons embourbés, des chariots renversés, des vivandières avec leurs enfants sur le dos, des soldats expirants ou morts; » le futur auteur des Martyrs frappait en vain aux portes des auberges; on ne voulait de lui nulle part. Ses cheveux pendaient sur son visage masqué par sa barbe et ses moustaches ; il avait la cuisse entourée d’un torchis de foin ; par-dessus son uniforme en loques, il portait, nouée à son cou, une couverture de laine qu’une femme charitable lui avait donnée. Aux portes d’Arlon, une file de voitures attelées encombrait la route ; les chevaux, les uns debout, les autres agenouillés étaient morts et leurs cadavres se tenaient raidis entre les brancards. Quelques-uns de ses malheureux Compagnons rentrèrent en France, disant qu'ils aimaient mieux être massacrés que de mourir de faim; les autres jetèrent leur uniforme, el, couverts de la blouse des paysans, tentèrent de