Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

CHÉVETEL 187 d'argent, la misère, les maladies relenaient en Angleterre !.

La mission qu'entreprenait Chévetel exigeait une force de caractère peu commune: pendant près de trois mois, il vécut côte à côte avec l’un des plus intimes amis de celui qu'il trahissait ; il ne fréquenta, à Jersey, à Douvres, à Londres, à Liège, que chez des royalistes fanatiques ; il se ménagea plusieurs entrevues avec Calonne ; il fut, à deux reprises, admis en présence du comte d'Artois. et jamais il n'éveilla l'ombre d’un soupçon. Si l’on réfléchit combien il fut astreint, dans les circonstances douloureuses où se trouvaient les émigrés, à des lamentations feintes, à des protestations hypocrites, à des imprécations contre le parti qu'il servait ; si l’on songe que, pendant ces trois mois, il ne put étre lui un seul: instant; qu'il dut surveiller ses paroles, sa démarche, l'expression de son visage; qu'il lui fallut mentir sans trêve, jouer sans faiblir un moment la plus odieuse comédie, on en arrive à penser que cet homme incarnait vraiment le génie de la trahison, car on ne voit guère d’autre exemple d’un rôle aussi répugnant soutenu avec autant de persévérance et d'habileté. Et que n'apprendrions-nous pas si ses dupes avaient

1.11 faut lire dans les Mémoires d'oulre-tombe la triste odyssée des émigrés bretons échappés au désastre de l'armée royale.