Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LE DRAME DE LA GUYOMARAIS 214

Presqu'au même instant Saint-Pierre se présenta à la porte du salon et pria M. de la Guyomarais de monter à la chambre du marquis: celui-ci, dont la fenêtre donnait, nous l’avons dit, sur le potager, avait entendu l'avertissement et s'en montra fort ému : il prit la main de la Guyomarais :

« — C'est mon arrêt de mort que cette voix vient de prononcer, dit-il!, et peut-être celui de votre famille si l’on me trouve chez vous. Faitesmoi transporter dans la forêt, à l'abri de quelque hutte abandonnée par les charbonniers…

— Ce serait vous tuer.

— Alors, reprit la Rouërie, quittez votre maison, afin que l’on n’y trouve que moi.

— Pensez-vous que j’abandonnerais un ami malade ?

— Qu'allez-vous faire ?

— On va vous porter chez de braves fermiers que je connais; vous y passerez la nuit. Après la fouille, au cas où elle soit faite, on vous ramènerà ici : le trajet ne sera que de quelques minutes, et J'espère qu'il ne vous fatiguera pas trop. »

Il n'y avait pas un instant à perdre : on enveloppa le malade dans ses couvertures, on le porta jusqu’au bas de l'escalier, et là, il fut hissé sur un

1. Nous empruntons ce dialogue aux souvenirs de Casimir de la Guyomarais.