Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LE DRAME DE LA GUYOMARAIS 213

au comble; il poursuivit sa perquisition dans les écuries et les dépendances : n'ayant rien découvert, il rejoignit ses hommes, prit avec eux le chemin de Plancoët, où l’on savait que le marquis avait quelquefois trouvé un asile. Passant, devant la Gourhandais, ils y entrèrent pour boire et sereposer. La fermière, voyant sa cour pleine de soldats, ne perdit pas la tête : prenant son chapelet, « elle se mel à genoux sur un banc très élevé devant le lit où la Rouërie était couché, s’y penche, obstruant l'étroite ouverture, et prévient à voix basse le marquis de ne pas dire un mot ni faire un mouvement ». La fatigue de la nuit, le manque d'air avaient augmenté la faiblesse et la pâleur du malade : les gardes nationaux demandèrent avec bruit du cidre et du feu pour allumer leurs pipes : la femme ne quitta pas son poste.

— Allez dans la cuisine, dit-elle aux soldats, vous y trouverez ma fille; je ne puis quitter mon pauvre frère Jacques, il est à mourir, il ne parle plus; il est si pâle qu'on le croirait mort.

Les hommes quittèrent la chambre et, après une

1. Le marquis lui-même raconta ce fait à M. de la Guyomarais : « J'ai admiré, disait-il, le sang-froid de cette femme qui m'a sauvé de la guillotine; mais je me sentais mourir faute de pouvoir respirer dans ce lit; je n'ai jamais autant souffert, » — Souvenirs de Casimir de la Guyomarais.

Il y a quelque quinze ans, le même fait a été raconté à M'° Mathilde de la Guyomarais par la petite-fille de la fermière, qui s'appelait Mw° Lemasson.