Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

264 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

compromis et que sa présence même dans une maison suspecte équivalait à un aveu ; le conjurant de fuir, s’il en était temps encore ; Chévetel dut bien rire : il mit l’argent en pochet et attendit tranquillement les événements.

Cependant Lalligand continuait ses préparatifs : il s'agitait beaucoup, allant de la cour au jardin, scrutant de l’œil les massifs, réquisitionnant une troupe de paysans armés de pioches et de bèches, jetant une question hâtive aux prisonniers, surveillant tout, se lamentant à haute voix de la rude besogne dont on l'avait chargé.

Il avait en effet adopté une nouvelle tactique : au fond cet homme n'était pas méchant, il était pire. Il avait réfléchi qu’en agissant comme il Vavait fait à la Guyomarais, il servait grandement la République, mais sans en retirer personnellement aucun profit: après tout, ces gens qu'il envoyait au bourreau étaient riches, et c'eût été, à son avis, pure duperie que de ne pas spéculer sur leurs angoisses. Il pensa que ces trois jeunes femmes, dont l'aînée n'avait pas vingtsept ans, rachèteraient volontiers leurs têtes et, dès l’abord, il posa un premier jalon en leur témoignant un intérêt des plus vifs ; se présentant dans la chambre où il les tenait enfermées, toutes trois

1. Voir page 381.