Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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ensemble, il « déplora amèrement la honte de la mission dont il s'était chargé sans en comprendre toute la gravité : il leur avoua qu'il avait été royaliste, qu'il l'était encore, et, tirant à demi son sabre du fourreau, il leur en montra la lame fleurdelysée portant, gravée dans l'acier, l'inscription : « Vive le Roit! » L’emphase qu'il mettait à cette déclaration étonna les dames Desilles plus qu’elle ne les séduisit: elles demeurèrent impassibles, craignant quelque piège; pourtant, sans se livrer, elles traitèrent, dès ce moment, avec moins de hauteur?, l'espion qui, de son côté, s’appliqua à se montrer accessible à la pitié, prévoyant bien que l'heure viendrait où ses victimes, acculées à l’échafaud, n’hésiteraient plus à payer largement son assistance. Je ne sais rien de plus lamentable que la situation de ces pauvres femmes, trahies par Chévetel, dupées par Lalligand, n’ayant, pour toute défense, que leur bonne foi naïve, leur honnêteté sans détours, et si bien aveuglées par les ruses hypocrites de leurs bourreaux qu'elles soupçonneront tous leurs amis avant de découvrir le nom de l’homme qui les aura vendues.

1. Journal de Rennes, 1847.

2. « Ces dames ont regardé Lalligand-Morillon comme un agent du gouvernement qui existait alors, mais non comme leur ennemi particulier. » Note écrite en 1812 par un des membres de la famille Desilles.