Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LA FOSSE-HINGANT 291

A Mayenne, à Pré-en-Pail, à Alençon, à Mortagne, à Verneuil, où l'on coucha les jours suivants, les manifestations hostiles ou sympathiques se renouvelèrent, mais avec assez de calme. À Dreux, au contraire, où l’on arriva dans l’aprèsmidi du 19, la foule se montra menacante! entassée devant l’auberge où séjournaient les Bretons, elle proposait de donner l'assaut et de les massacrer sur l'heure. Lalligand, n’osant mettre sa troupe en contact avec cette population surexcitée, pria les dames Desilles de se montrer à la fenêtre ; dès qu'elles parurent, le tumulte cessa; il y eut un murmure aussitôt perdu dans un grand silence : « Elles sont pourtant bien jeunes pour mourir, » chuchotaient les spectateurs 2...

À mesure qu'on approchait de Paris, les prisonniers exténués, à demi morts de fatigue et d'émotions, voyaient croître l’exaltation populaire, et leurs angoisses s’en augmentaient ; s'ils n'étaient pas massacrés en route, ils prévoyaient que leur supplice suivrait de près leur arrivée, et ils en étaient à souhaiter qu'un coup de colère de la

1. « Nous arriverons à Paris au point du jour, si toutefois nous ne sommes pas dépecés en route, car aujourd'hui nous avons été un peu vexés à notre arrivée; mais nous serons fermes jusqu'au bout et nous voulons tout conduire jusqu'à Paris. Nous sommes sans le sou: il faut nous envoyer 900 livres. » — Lettre de Lalligand et Sicard, datée de Dreux, 19 avril 1793. — Archives du département des Affaires étrangères, 1H.

2. Journal de Rennes, 1841.