Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

292 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

populace leur évitât les longs apprèts de l’échafaud et la lente horreur de la guillotine.

Les dernières étapes furent courtes : le 20, on couchait à Pontchartrain!, et, le lendemain, vers midi, après avoir suivi l'avenue de Saint-Cyr et passé au pied des terrasses du château royal dévasté et désert, le convoi entra dans Versailles par la grille de l'Orangerie.

Dès la barrière ce furent des vociférations et des huées ; les chariots s’avançaient lentement entourés d'une troupe d'hommes déguenillés et de femmes ivres, alléchés par l'espoir d’une réception semblable à celle faite, huit mois auparavant, aux prisonniers d'Orléans. On parvint cependant sans encombre aux Quatre-Bornes?, et l'on franchit le carrefour de sinistre mémoire, où avait eu lieu la tuerie. La foule s’accroissait sans cesse ; l'agitation devenait plus vive, on criait : À /a mairie! à bas les têtes ! Lalligand et Sicard, craignant qu'un seul coup de fusil ne fût le signal du massacre, ordonnèrent à leurs hommes de se réfugier dans la cour de la mairie; derrière les chariots on ferma les grilles, et les prisonniers furent introduits dans la

1. Lettre de Lalligand-Morillon. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

2, On appelait ainsi le carrefour formé par la rencontre des rues de l'Orangerie et de Satory : c'est là qu'eut lieu le massacre des prisonniers d'Orléans, événement que rappelle une plaque de marbre placée à cet endroit en l'honneur du maire Rigaud.