Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 278
218 CHAPITRE SEPTIÈME.
qua Markov, est depuis longtemps à notre service; Si l'empereur connaissait ses libelles, il les réprimerait. » Puis l'entretien ayant continué au sujet d’un autre réfugié au service russe, Christin, le Premier Consul le termina par ces mols : « Partout où je trouverai de pareils polissons, je les ferai arrêter et je les tiendrai au cachot. _— Et vous ferez bien », ajouta Markov sur un ton où les assistants crurent distinguer de l'ironie. Bonaparte lui tourna le dos et passa (1).
L'effet de cette scène se fit bientôt sentir à Dresde. Le 23 octobre, d'Antraigues étant allé à la suite de sa légation à la réception de la cour, l'électeur affecta de ne point lui adresser la parole, ce qu'il n'avait jamais fait à aucune des personnes présentées, et ce qu'il ne fit qu'à lui ce jour-là. Le malheureux prince se sentait sous l'œil de l'envoyé français. D'Antraigues ne put s'empêcher de dire à un de ses voisins : « Si j'eusse été le juge du roi son cousin au lieu de lui rester fidèle, oserait-il me recevoir ainsi (2)? » Düût-il être sacrifié par Czartoryski comme il venait d'être humilié par l'électeur, il se voyait alors transféré en Angleterre, selon ses désirs constants et en compensation de ses épreuves.
Quoi qu’il pensät de son importance, le conflit allait désormais passer par-dessus sa tête, s’envenimer entre Markov et Bonaparte, et expliquer, avec d’autres incidents, la rupture entre la France et la Russie. Markov se plaignit à Talleyrand de la façon dont il avait été reçu et interpellé aux Tuileries. Talleyrand répondit avec vi-
(1) Dépêche de Khanikov, 1/13 octobre. (4. P.) — Bulletin envoyé de Paris à Louis XVIII, 12 octobre. (A. F., France, vol. 602.)
(2) D'Antraigues à Jean de Müller, 27 octobre 1803. (A. F., France, vol. 633, ? 115.)