Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 277
LA ROGHEFOUCAULD (1803-1804). 271
comme les manèges de cet ancien agent secret, dépouillé désormais, quoi qu’on en dit, de toute marque nationale précise, et il souhaitait presque ouvertement son départ : « Cet homme, disait-il, n’est soutenu que par Czartoryski et la faction polonaise, et le chancelier (Al. Woronzow), auquel il ne rend aucun compte, ne demande qu'à se laisser forcer la main et à l'éconduire. » Même à Berlin, on supportait impatiemment son voisinage, comme le ministre prussien à Paris le faisait expressément savoir à Mme Bonaparte. La cour de Dresde nourrissait les mêmes sentiments, car l'électeur se sentait à la discrétion de son puissant ami de Paris, et le premier ministre Loss craignaif toute occasion de conflit propre à mettre en péril la dignité de son souverain.
D'Antraigues oublia vite l'humiliation subie, car il fut, malgré les insinuations de La Rochefoucauld, présenté officiellement à la cour, et d'autre part il se vit soudain traité de loin par Bonaparte lui-même comme venait de l'être l'Angleterre dans la personne de son ambassadeur lord Whitworth. Le 25 septembre 1803, au cours d'une réception diplomatique aux Tuileries, le Premier Consul interpella vivement Bunau, l’envoyé de Saxe : « Comment votre maître garde-t-il à sa solde des polissons tels que d'Antraigues, qui manifeste indécemment son animosité contre la France et m'invective dans des pamphlets de sa production? — Mon maître, répondit froidement Bunau, n’a jamais eu de polissons à sa solde; du reste, M. d’Antraigues est attaché à la légation russe. » Bonaparte se retourna aussitôt vers Markov, le ministre de Russie : « Pourquoi l’empereur protège-t-il un homme qui écrit des libelles contre la France? il aurait lieu d'être mécontent si j'autorisais de la part d’un de ses sujets une conduite pareille. — M. d'Antraigues, répli-
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