Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 276

276 CHAPITRE SEPTIÈME.

cet homme. Si la guerre a lieu, elle doit être contrainte de le chasser à la paix. Qu'il aille en Amérique. Sa conduite est d'un mauvais exemple en Europe. »

A Vienne d'Antraigues avait vécu en paix, grâce à la tolérance confiante et à la surveillance discrète de Champagny. À Dresde, tout changea, et par sa faute. Dès son arrivée, impatient de se faire valoir, il se montra avec la croix de Saint-Louis à la boutonnière. C'était s'avouer toujours Français, et de plus émigré irréconciliable. « Je ne suis plus rien à la France, écrivait-il à Czartoryski; je n’en veux plus rien et je n'en parle pas; mais, ajoutait-il, quand ils voudront me rappeler ce que j'ai été, ils me trouveront ce qu'ils n'auraient jamais dû cesser d’être (1). »

Le ministre de France en Saxe était Alexandre de La Rochefoucauld, homme d’ancienne noblesse rallié avec éclat au nouveau gouvernement et propre à le servir avec plus de zèle que de tact. Il s'empressa de dénoncer cet étalage d’une décoration abolie, et sa réclamation, appuyée sur une note précise et impérative de Talleyrand, eut plein succès. Une défense fut formulée en termes généraux par le gouvernement saxon, et d'Antraigues dut faire disparaître sa croix. Quoi qu'il en soit, et cela flattait son amour-propre, la lutte était engagée entre lui et le gouvernement français.

Il devait, vu son titre officiel et sa nouvelle nationalité, compter sur l’appui de la chancellerie russe, mais son chef immédiat, Khanikov, ne le soutenait que pour la forme, et ne l’avertit pas des premières démarches tentées contre lui. Khanikov était un ancien militaire peu façonné aux usages diplomatiques; il redoutait l'esprit

(4) D’Antraigues à Czartoryski, 5 septembre 1803. (A. F.)