Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 280

280 CHAPITRE SEPTIÈME.

effroi contraint par l'insuccès de ses démarches à se démettre et à revenir près d'elle? Il ignorait, en tout cas, qu'un de ses secrétaires, entraîné par certains souvenirs de famille, livrait à d’Antraigues toute la correspondance échangée entre la légation et le ministère des relations extérieures. Le correspondant de Czartoryski se trouvait ainsi instruit au jour le jour et à souhait, dans l’intérêt de sa personne comme dans celui de sa mission.

Talleyrand poussait en effet vivement son offensive contre lui, à Dresde et à Pétersbourg. Dans une nouvelle note impérative au cabinet saxon (15 décembre), il invoqua l’article 1% du traité de Lunéville; selon lui, l'entrée d’un ex-agent des Bourbons dans le corps diplomatique constituait une infraction à ce traité. C'était « comme si le Premier Consul accréditait à Londres ou à Berlin quelque Russe descendu des sectateurs du prince Ivan (1) ». Une seconde note, postérieure de dix jours, demandait formellement l'expulsion. Talleyrand et La Rochefoucauld parlaient au cabinet de Dresde du même ton que, sept ans auparavant, Delacroix et Villetard au Sénat de Venise; ils menaçaient de porter le différend, presque comme un casus belli, devant la diète de l’empire. Comment Loss parvint à éluder une exigence des plus embarrassantes pour son souverain, on le devine; il se déroba, et rejeta adroitement sur le gouvernement russe la responsabilité et la solution de l'affaire. Cinq mois après (11 et 12 mai 1804), La Rochefoucauld insistait encore pour qu'on ne tint nul compte du droit des gens.

La Russie céderait-elle? Les ministres de France et de

(1) Talleyrand à Bunau, 7 décembre 1803. (4. F, Saxe, Correspondance .)