Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 287
VIE LITTÉRAIRE. 287
faux docteurs, artisans de désordre par surcroît; mais comme elle est irrésistible, il faut que les souverains par prudence dirigent ce mouvement, le modèrent, le fassent tourner autant que possible à leur profit. Cette tâche leur est encore plus facile dans les pays qui, comme la Russie, ont conservé l'ignorance heureuse des peuples primitifs et ne sont point en proie aux expérimentations pédantes des demi-savants.
Dans ces conditions, l’enseignement, à tous ses degrés, doit avoir un caractère national. Ce caractère existe en Russie, et il est facile à déterminer, pourvu qu’on ne le demande pas à ces grands seigneurs cosmopolites qui, au temps de Catherine II, se promenaient de capitale en capitale, hôtes des cours ou convives de Mme Geoffrin. Deux méthodes se présentent pour son développement : l'une consiste à procurer d’abord l'instruction aux classes les plus ignorantes, sauf à l’élever en l’étendant toujours, à commencer par les écoles et à finir par les Universités ; l'autre consiste à créer de toutes pièces l’Université, foyer qui finira par étendre sa lumière, affaiblie mais directe, jusque dans les moindres hameaux. Bien que la première ait pour elle l'autorité des précédents et l'expérience, d'Antraigques se prononce pour la seconde. Au dixième siècle, l'esprit humain avait tout à conquérir; au dix-neuvième, la Russie peut d'emblée emprunter à ses voisins les éléments de son haut enseignement, jusqu’à ce qu’elle se suffise à elle-même. Cet enseignement doit réunir l'unité de vues, qui consiste à former des Russes, et non des Grecs et des Romains; l'unité des principes, qui consiste à faire aimer aux Russes leurs institutions traditionnelles, et par-dessus tout l’autocratie; et enfin l'unité de moyens. Celle-ci sera réalisée par l’organisation d’une Université unique placée sous le