Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 291
VIE LITTÉRAIRE. 291
de temps après la mort du célèbre écrivain, que je n'en fais de sa moralité. » Quant aux écrivains plus jeunes, il ne les appréciait pas davantage : « J'ai le bonheur de ne plus comprendre le style de ces messieurs. Ils écrivent dans un goût nouveau, et si ce goût est de l'esprit, l'Evangile a bien raison de nous promettre que les sots sont heureux dans l'autre monde, puisque leur bonheur commence dès celui-ci (1). » Comme il en était resté en fait de roman à la Nouvelle Héloïse, il traitait de haut l’auteur de Corinne; et l’auteur de Werther, décoré d'une particule et d’un titre ministériel, lui semblait étaler des ridicules égaux à ses talents (2).
L'amour-propre le faisant se suffire à lui-même, il multipliait les plans d'ouvrages historiques ou littéraires comme les mémoires politiques. Il annonçait la publication d'une traduction de Salluste que lui avait léguée J.-J. Rousseau; traduction qui en définitive n’a jamais, que je sache, vu le jour. Ïl continuait sa vie de Henri VIT, commencée en 1791, que l’empereur Paul avait refusé de lui laisser publier; il s'occupait d’études historiques sur Cromwell et Louis XI. Il songeait à reprendre ses Mémoires ; il demandait à cet effet à sa mère de l'aider à recueillir ses souvenirs d'enfance; et celle-ci lui répondait avec l'autorité de son titre, de son âge et de son vieux bon sens : «Je ferai la note que vous désirez, mais vous ne voulez que des époques sans toucher au moral. Voyez, mon ami, elle ne vous flatterait pas, et à coup sûr vous mettriez l'inverse dans l’histoire de votre vie, qui, entre nous soit dit, sera toute à votre louange.
(1) D'Antraigues à.…., 27 décembre 1803. (4. F., France, vol. 635, £ 4.)
(2) D’Antraigues à Jean de Müller, 48 janvier 180%. (4. F., France, vol. 633, fo 13%.)