Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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nir. Et puis, la déroute que provoqua léna anéantit de nouveau tous ces projets.

Pendant les années qui suivirent, Gentz eut le ‘temps de rentrer en lui-même. Sa haine de la domination napoléonienne s'était parfois transformée presque en une haine personnelle contre Napoléon. Par sa présence au quartier-général prussien en 1806, il avait attiré l'attention de l’empereur des Français, qui avait ordonné de s’emparer de la personne de ce « misérable scribe », l’avait mis au ban des nations civilisées, et avait défendu ses œuvres sous peine de mort. Ces instants de crise passés, les passages de Gentz où se révèle une animosité quelconque se font beaucoup plus rares. Jamais Napoléon n’a été pour lui un géant qu'il fallait abattre. Sa grandeur, croit-il, est l’œuvre des circonstances plus que de son génie. Et, peu à peu, il se persuade que cette grandeur est nécessairement passagère #, que donc même au milieu des plus grands désastres on est en droit d'espérer des temps meilleurs. Aussi, quand Gentz, sous l’influence de Stein, se

1. L'évolution de Gentz, à ce point de vue, fut analogue à celle de Talleyrand. Les deux hommes, partis de prémisses opposées, l’un servilité en face de Napoléon, l’autre haine du tyran, en arrivaient à une conception moyenne plus conforme äux faits où ils se rencontraient à partir de 1809. Ils étaient dès lors convaincus l’un et l’autre de la chute prochaine de ce météore brillant, dès que la fortune aurait tourné. C’est là aussi le secret du calme de Metternich.