Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. . 89

du nouveau chapeau de lui avoir joué un vilain tour, en s’empressant d’exhiber une coiffure livrée depuis une heure à peine! Le fiacre de la faiseuse n’a pu lutter de vitesse avec le bel équipage de madame ! — L'auteur du méfait, qui riait sous cape du succès de sa malice, s’écrie : « Ah! parlons de mon bel équipage ! En me ramenant, cette nuit, mon cocher l’a accroché, et ce matin il ma fallu sortir dans une vieille voiture que j'aurais honte de montrer aux Champs- Élysées. Chère amie, vous devriez donner l’ordre d’atteler et me mener faire un tour avant dîner. » La «chère amie » remontrait qu'il était bien tard pour sortir, quand son mari survint afin de rappeler que le dîner à la légation de *#** exigeait ce soir la grande toilette.

La conversation s'engage entre monsieur et les dames, de nouveaux visiteurs arrivent, peu à peu le salon se remplit. On plaisante Mme *** sur sa paresse ; elle-même rit beaucoup de la sottise de son portier qui s’est imaginé qu'elle recevait « tout le monde », parce qu’elle m'avait invité, moi seul, à faire de la musique dans la matinée.

Le monde continuant à affluer, je me suis esquivé sans bruit. Voulant utiliser mon temps et profiter du voisinage, j'ai alors tenté une visite chez Mme Récamier. « Il ne fait pas encore jour chez madame! me dit le portier. » — C’est l’expression reçue pour donner à entendre que l’on se présente trop tôt, ou que personne n’est reçu. — Voilà comment j'ai passé ma matinée « à chanter du Glück » !

Ma soirée a été consacrée au Théâtre-Français. Pour aueun prix, je n'aurais voulu manquer les débuts de la belle Mlle Georges Weimer (1) qui, malgré ses seize ans,

(4) Weimer (Marguerite-Joséphine), fille d’un tailleur du régiment de Lorraine. Mile Raucourt, la tragédienne, passant à Amiens,