Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 97

Une multitude de réverbères éclairaient la cour comme en plein jour; le perron et le vestibule, recouverts de tapis turcs, étaient garnis d’une forêt d’arbustes rares et de fleurs à profusion. Tout l'appartement, comprenant le vestibule, deux salons à droite, la chambre à coucher de Mme Récamier, le boudoir et la salle de baïn à gauche, étincelait, illuminé «4 giorno. À chaque arrivante, Mme Récamier disait : « Voulez-vous voir ma chambre?» et passait avec elle dans son gynécée, en lui donnant le bras. Un cortège de cavaliers se pressait sur leurs pas vers le sanctuaire.

Cette pièce, fort élevée, est presque entièrement entourée de hautes glaces d’un morceau. Entre les panneaux de glaces, et au-dessus des grandes portes en marqueterie, s’aperçoit une boiserie blanche, avec filets bruns, relevée par de délicats ornements en bronze. La cloison du fond faisant face aux fenêtres est une glace immense. C’est là qu’apparaît, la tête contre le mur, la couche éthérée de la divinité du lieu : un nuage de mousseline, une blanche vapeur! Le lit de style antique est ornementé de bronze, comme la boiserie, avec autant de goût que de richesse. Autour du lit, sur le gradin de deux marches qui le supporte, des vases de forme antique: en arrière vers le fond, deux candélabres à bougies à huit branches. Du ciel de lit descendent jusqu’à terre. les rideaux de fine mousseline, gracieusement drapés, qui protègent la tête. Sous ces rideaux se montre une tenture en damas de soie violet, relevée à droite et à gauche, afin de laisser apercevoir la glace du fond; un large lambrequin de satin, nuance vieil or, disposé le long de la corniche, couronne le haut de la tepture.

Il serait trop long de décrire les bronzes, les tableaux qui garnissent et encadrent la monumentale cheminée de

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