Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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marbre et de faire l'inventaire de tout le précieux mobilier. Entrons dans la salle de bain, un peu moins grande que la chambre à coucher; les murs disparaissent sous les glaces et sous une tenture de gros de Tours vert tombant en petits plis. Dans une niche de glaces, la baignoire est dissimulée par un grand sofa recouvert en maroquin rouge, comme les fauteuils bas qui meublent la pièce. De la salle de bain on passe dans le boudoir, tendu de gros de Tours d’une autre nuance, aussi finement plissé; l’'ameublement et un sofa, qui occupe toute la largeur du boudoir, sont recouverts de même étofte. De jolies peintures égayent les plafonds; de grosses lampes d’Argand (1), suspendues ou posées sur les cheminces et sur des candélabres dressés dans les angles, complètent l’élégante et somptueuse décoration.

Les rideaux des fenêtres sont doubles et de deux nuances. Dans la chambre à coucher, l’ample rideau de dessus, en damas de soie violet, est relevé de droite à gauche, par des embrasses, à la moitié de sa hauteur; le rideau de dessous, en damas vieil or, est relevé de même de gauche à droite. Je ne me souviens plus de la nuance des rideaux des autres pièces.

Le premier salon, à droite du vestibule en entrant, n’a pas tardé à ne plus pouvoir contenir la foule des invités. Les dames s’étaient assises sur des fauteuils rangés en cercle, de sorte que l’on pouvait circuler autour d’elles et leur parler. C’est dans ce petit espace, .circonscrit par ce groupe féminin, que l'on dansait : — une seule française à la fois, exécutée avec une perfection digne de l'Opéra.

(4) Argand (Aimé), chimiste genevois, mort en 1803; inventeur, en 4783, des lampes à courant d'air et à cheminée de verre, auxquelles Quinquet a attaché son nom en y apportant des perfectionnements .