Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 447

femmes en toilette. L’envoyé de Tunis, bel homme de tournure majestueuse, éblouissant de broderies, était l’objet de la curiosité générale. Il causait volontiers en italien, lorgnant attentivement les beautés russes et italiennes de l’assistance.

A midi, la parade a commencé; environ six mille hommes de troupes ont défilé. L’infanterie était rangée entre la grille qui sépare la cour du château du reste de la place, la cavalerie en dehors, sur le terrain que l’on appelle le Carrousel. Cette place a été considérablement agrandie et embellie depuis dix ans : on a démoli les bâtisses qui l’encombraient; elle s’étend maintenant de la galerie du Louvre à la rue Saint-Honoré. Au milieu de la grille qui coupe la place du sud au nord, les chevaux de bronze qui décoraient la place Saint-Marc, à Venise (1), font assez piteuse mine entre les supports en fer de quatre lanternes. Ils se présentent isolément, alors qu’il est évident qu'ils ont dû former jadis l’attelage d’un quadrige, et flanquent deux à deux l'entrée principale au-dessus de laquelle planent des coqs dorés, qui m'ont tout l'air de devoir se métamorphoser en aigles. Ces coqs donnent lieu à une foule d’allusions malicieuses à la « basseCOUr ».

L’infanterie s’est massée par bataillon, de telle sorte que Bonaparte, avec son nombreux état-major, a pu parcourir les rangs en tous sens. Aussitôt après le défilé des fantassins, Bonaparte, sur un cheval blanc, précédé de quelques généraux et suivi de son inséparable mamelouk, a dépassé la grille pour inspecter la cavalerie. Il portait le petit uniforme de la garde nationale, habit bleu à revers blanc et chapeau d'ordonnance, sans autre insigne. Dix

(1) Les Chevaux de Venise ont repris, après l'invasion de 1815, leur place sur la basilique de Saint-Marc.