Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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en livrée verte, galonnés d’or, s’empressaient autour de nous; des maîtres d'hôtel en fracs noirs offraient les vins. Un petit préfet du palais, cheveux noirs taillés à la Titus, en uniforme rouge brodé d'argent, avec écharpe bleue et grand chapeau brodé d'argent sous le bras, allait et venait pour s’enquérir s’il n’était pas temps de nous faire monter à l'audience. Enfin le signal fut donné, et l’on se pressa dans un couloir où l’on pouvait à peine avancer sur deux de front. Le grand escalier était garni de bas en haut de soldats de la garde présentant les armes. Avant d'arriver à la salle d’audience, on traversait une suite de salons pleins de laquais en livrées aux couleurs des trois consuls, vert et or, bleu et or, rouge et or, avec des aiguillettes. Le dernier salon était occupé par une foule de généraux et d'officiers en grand uniforme, restés sans doute après l’audience militaire, afin de voir passer la nouvelle légation anglaise ; parmi eux, des conseillers d'État et des sénateurs.

Dans la salle d'audience, tendue de tapisseries de haute lisse et ornée dans les angles des drapeaux de la garde disposés en trophées, les envoyés, entourés chacun de ses nationaux, se sont rangés suivant l’ordre des préséances. Le prince Louis de Bade (1), qui devait se faire présenter sous le nom de comte d’Eberstein, se trouvait presque au dernier rang. Bonaparte a su s’y prendre de façon à témoigner des égards au prince, sans contrevenir à l'étiquette. D’après le programme, la légation anglaise devait être présentée en premier lieu; mais avant que le

(4) Louis-Charles-Frédérice de Bade-Durlach, à qui Napoléon donna, en 1806, la main de sa fille adoptive Stéphanie, fille de Charles de Beauharnais. En 1811, le prince Louis hérita de son grand-père le titre de grand-duc que les margraves doivent à Napoléon. Le vieux margrave avait fait sa paix avec la République fränçaise, le 22 août 1796.