Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 421

ministre Talleyrand eût commencé son office, Bonaparte se dirigea vers le prince Louis, le salua en souriant et causa quelques instants avec lui d’une façon très gracieuse. Au moment où le grand et magrifique envoyé anglais (1), conduit par Talleyrand et par un autre dignitaire, s’avança, Bonaparte prit congé du prince, il devint sérieux et se plaça au milieu du demi-cercle formé par son entourage, un peu en avant des deux autres Consuls, — immobiles — et muets pendant toute l'audience, aussi bien que les ministres rangés derrière eux. Bonaparte se tint droit, grave et silencieux en face de l’envoyé anglais, qui le salua profondément et lui adressa une assez longue allocution. Quand il eût cessé de parler et salué une seconde fois, Bonaparte, faisant une légère inclination, répondit courtoisement, mais en peu de mots, et l’envoyé rejoignit le personnel de sa légation.

Le Premier Consul procéda ensuite à sa tournée habituelle des audiences, en commençant par le légat, cardinal Caprara. Il s’arrétait devant chaque légation, échangeait quelques paroles avec l’envoyé et deux ou trois des personnes présentées. Arrivé devant nous, il me fit l'honneur, après que nous eûmes été nommés, de m'adresser plusieurs questions sur notre cour et notre opéra italien. Il s’est montré particulièrement affable pour l’ancien envoyé prussien, M. de Sandoz-Rollin (2), que le marquis

{({) Mme d'Abrantès crayonne ainsi la silhouette de l'envoyé : « Lord Withworth était grand, parfaitement beau, et avait une tournure et un visage de la plus noble distinction. Je n'ai jamais connu d'homme représentant mieux que lui un État, grand, prospère et impertinent. Toujours magnifiquement vêtu. même à la Cour consulaire.… »

(2) Baron de Sandoz-Rollin (David-Alphonse), né à Neuchâtel, ministre de Prusse à Paris, de 1796 à 1801, avait été remplacé par le marquis de Lucchesini, ami de Haugwitz et ancien agent de Frédéric II. En 1797, Sandoz avait essayé de convainere l'ambassadeur