Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE GONSULAT. 127 tation donne le droit de revenir sans formalité nouvelle, à l’audience suivante. Ün certain nombre de dames russes, habitant Paris, persistent à ne pas se faire présenter et ne paraissent pas aux « cercles » de Mme Bonaparte, qui se tiennent d'habitude entre huit et neuf heures du soir, le jour des grandes audiences du Premier Consul.

Il y avait environ cinquante femmes, plus les hommes présentés à la dernière audience du Consul ; enfin, beaucoup de militaires, tous cavaliers superbes. Talleyrand, en costume officiel, était le seul ministre présent.

Duroc (1), gouverneur du palais, se tenait dans le salon d'attente; notre envoyé m'a présenté à lui. Il a été peu causant, bien que je me sois évertué à lui parler de son séjour à Berlin. Petit, large d’épaules, bouche grande, garnie de belles dents, teint clair et animé, 1l semble moins spirituel que l’on ne devrait s’y attendre chez le confident de Bonaparte. Son extrême politesse et sa réserve sont remarquables.

Pendant que nous faisions antichambre, j'ai parcouru la galerie de tableaux et les salons qui ouvrent sur le vestibule. La galerie a été récemment décorée de tableaux italiens pris au musée, mais le grand nombre de fenêtres et de glaces rend le jour peu favorable. J'ai constaté avec plaisir que les peintures du plafond n’ont pas été détériorées pendant la Révolution. Dans un des salons

(1) Voici le portrait qu'en fait Mme d’Abrantès, — une amie; — on peut comparer : « Duroc avait les yeux assez forts et trop à fleur de tête pour que son regard fût jamais en harmonie avec son sourire ou toute autre expression. Ses cheveux étaient noirs, ainsi que ses yeux. Son nez, son menton, ses joues, tout cela avait le défaut de ses yeux et était trop arrondi, ce qui ne donnait rien d'arrêté à ses traits et répandait mème une sorte d'indécision sur sa physionomie.

La taille était au-dessus de la moyenne, syelte, élégante et fort distinguée. »