Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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étaient avenantes, mais tout autres; c’est son diadème qui fixait le regard, on ne levait pas les yeux plus haut. Lorsque le tour du salon fut terminé, Mme Bonaparte s’assit au coin de la cheminée, et les envoyés lui présentèrent successivement les étrangers venus pour la première fois. Ils les nommaient et, pour chacun, Mme Bonaparte inclinant la tête et se levant à demi disait : « Je suis charmée..., je suis bien aise..., enchantée de vous voir! » Les femmes des envoyés ont ensuite rendu le même office aux dames de leur nation. Pendant ce défilé, Bonaparte causait avec quelques étrangers de connaissance. Les présentations finies, sa femme et lui ont salué lassistance et sont rentrés dans leurs appartements. Tout le monde se disposa alors au départ. On traversa la galerie pour arriver à un grand salon où était dressé un magnifique buffet qui eût été plus apprécié avant l'audience, pendant les longues heures d'attente. Chacun songea ensuite à regagner sa voiture. Comme il y avait sur la place du Palais près de deux cents équipages, parmi lesquels des attelages à quatre, il a fallu plus d’une heure avant que chacun fût casé. On attendait dans les beaux appartements du rez-de-chaussée que les valets de pied fissent avancer les voitures, suivant l’ordre des préséances. Nous sommes rentrés à Paris pour dîner, vers sept heures.

La princesse Dolgorouki avait eu la bonté de me convier à sa table; j'ai donc eu le plaisir de passer ma soirée dans la société des beautés russes et polonaises. En général, les maisons russes sont infiniment plus agréables que celles des « nouveaux riches » parisiens. J'y retrouve les traditions de l’ancienne société : la compagnie est choisie, on s'intéresse à la musique et aux