Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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et originale; orchestration riche et variée. La pièce est fort bien rendue; les situations sont vivement caractérisées et l'excellent comique Juliot y apporte un élément d'humour et de gaieté qui ôte à l’opérette ce qu’elle a d’un peu larmoyant, quand on la joue avec moins d’entrain. Je ne me permets qu’une critique : je blâme la suppression du charmant duo : Düt-il m'en coûter la vie! La coupure, sous prétexte d’alléger la représentation, est un non-sens : au point de vue dramatique, comme au point de vue musical, ce duo est le pivot de la pièce. Sa suppression produit une véritable lacune dans le développement logique de la trame dramatique et musicale. Il est incroyable que Chérubini ne soit jamais parvenu à faire chanter son duo, même sur cette scène si bien dirigée.

J'ai voulu voir au Théâtre Louvois la contre-partie de La petite ville, une nouveauté qui s’appelle : Les provinciaux à Paris (1). Avec tout son esprit, Picard s’est trompé dans le choix de son sujet; on peut réussir à personnifier et à faire revivre au théâtre les travers d’une petite ville; mais prétendre en faire autant de Paris n’est que chimère. Une cité pareille est un sujet trop vaste pour la scène. Au lieu de personnages agissants, on est réduit à ne donner que des récits et des descriptions, c’est-à-dire ce qu'il y à au monde de plus antidramatique. Le malin Picard a bien essayé de tourner la difficulté par des tirades piquantes qui amusent un instant; mais, en somme, sa pièce n’a pas de vie à la lecture, on ne pourra que trouver quelque plaisir aux traits spirituels et satiriques dont l’auteur a émaillé sa prose.

Puisque vous tenez à des comptes rendus fidèles de

(1) Ou la Grande Ville, comédie en quatre actes et en prose représentée le 10 janvier 1802.