Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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Gastronomie (1), signé J. B..., qui vient de paraître, est un agréable petit poème sous forme didactique, divisé en quatre chants et précédé d’un spirituel envoi à une Mme Larcher d’Are, dans lequel l’auteur persifle la manie que l’on a maintenant de prodiguer les mots art et artiste :

Tout est soumis à l’art, au moment où nous sommes; Nous avons l’art du décrotteur, Et l’art de faire des grands hommes; L'art de tondre et d’être tondu.

« L'art du décrotteur » est, en effet, illustré, au PalaisRoyal, par une immense enseigne portant en lettres d’or, au-dessus de la porte d’une boutique, ces mots : A la réunion des artistes décrotteurs! Quant à « l’art de faire des grands hommes » et à «l'art de tondre et d’être tondu», vous n’ignorez pas que les Français s’y entendent!

Un ingénieux historique de « la science de gueule », comme dit Montaigne (2), fait la matière du premier chant. Le second, consacré aux « premiers services » des grands dîners, donne des instructions minutieuses aux amphitryons, des avis pleins de sagacité aux convives,

dont la santé robuste, florissante, Des plus riches festins peut sortir triomphante.

A l’intention de ces estomacs d'élite, le professeur conclut par un conseil que dicte l'expérience :

; Si parfois on vous prie A diner, sans s façon et sans cérémonie, Refusez promptement ce dangereux honneur. Cette invitation cache un piège trompeur ;

(4) Seconde édition de la Gastronomie, où l'Homme des champs à table, par Joseph B°*. La première édition est de 1801 ; Berchoux n’a signé que la troisième. « Il était, dit son ami J. Jal, le moins gourFu de tous ceux que j'ai vus se donnant le plaisir de vivre un peu mieux que les brutes. » (Souvenirs d’un homme de lettres, 1877.)

(2) Liv. [*, chap. Li.