Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 143

Souvenez-vous toujours, dans le cours de la vie, Qu'un diner sans façon est une perfidie.

Le troisième chant, — «les seconds services », — terminé par l'épisode lamentable du fameux Vatel, finit sur cette moralité pratique :

O vous qui par état présidez aux repas, Donner-lui des regrets, mais ne l’imitez pas!

Ne prendrait-on pas l’objurgation pour une sorte de parodie de la fin de notre Werther?

À l'instar des festins qu’il célèbre, le poème se couronne par la description brillante d'un dessert et par la glorification des vins que révèrent les fins dégustateurs.

Le malin poète, qui connaît son public, s’écrie en terminant :

Que ne puis-je fermer la bouche à mes critiques!

Ils n’approuveront pas mes conseils didactiques.

Messieurs, je vous entends ; je sais vous deviner ! Un poème jamais ne valut un diner!

D’après ce que je vous ai confié plus haut, vous devez effectivement vous demander ce qu'un Parisien d’aujourd’hui peut bien mettre au-dessus d’un bon dîner. Vous pourrez être tenté de partager l'avis d'un autre docteur, Grimod de la Reynière, qui ose dire cyniquement : « Le cœur des Parisiens devient un gosier. »

Si l’opuseule de J... B. parvient jusqu’à votre résidence du Nord, peut-être serez-vous porté à taxer d’exagération ses énumérations savoureuses. Pour redresser votre erreur, il me suffirait de vous renvoyer au Gastronome à Paris (1), plaquette en vers qui dénonce assez aigrement

(1) Le Gastronome à Paris, épître à l'auteur de la Gastronomie, par

S.-E.-E. M. (par S.-C. Croze-MaGnaw,) chez Desenne, libraire, Paris, an XI.