Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

124 . UN HIVER A PARIS

les péchés d’omission de l’aimable versificateur de la Gastronomie.

En lisant ce que le Gastronome dit des « déjeuners dinatoires » et, ailleurs, des banquets pantagruéliques des Receveurs, Fournisseurs et autres personnages , « jadis chanoines, aujourd’hui citoyens », vous vous convaincrez que l’auteur de la Gastronomie, fidèle à l’ancien sentiment français de mesure discrète, est demeuré, dans ses peintures, fort au-dessous de la réalité. Il est vrai que la sensualité parisienne le cède à la gloutonnerie prodigieuse de ces Romains que l’on affecte de prendre pour modèles ; mais elle dépasse étonnamment les habitudes « dînatoires » d'il y a une dizaine d’années (1). Le Gastronome est fondé à proclamer, sans crainte de démenti, cet axiome glorieux :

Hors de Paris, quoiqu'on en veuille dire, On peut manger, mais on ne dîne pas!

Les deux grands pontifes de la bouche vous ont-ils mis en appétit? Ont-ils stimulé chez vous le désir d’approfondir la science gastronomique? Prenez l'Almanach des gourmands, ou Calendrier nutritif (2) quisystématise, suivant les saisons et les mois, les méthodes alimentaires. Malgré la masse de renseignements accumulés dans son volume de 247 pages, l’auteur s'excuse de nombreux oublis et promet solennellement de faire mieux l’an prochain. Il est

(1) L'auteur avait passé plusieurs mois à Paris. Voir les premières lettres de Reichardt, que nous avons traduites sous le titre : Un Prussien en France en 1792. Paris, Perrin, 4899, in-&.

(2) L’Almanach a paru comme périodique, de 14802 à 1811. Peutêtre, en 1802, Brillat-Savarin méditait déjà, sur son siège du tribunal de cassation, quelques-uns des étincelants chapitres de sa Physiologie du goût. Mme d’Abrantès caractérisera finement les deux livres : « Après avoir lu l'Almanach de Grimod, dit-elle, je n'avais plus faim; après avoir lu Brillat-Savarin, je demandais à diner. »