Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

XIV

20 décembre 1802.

À l’une des dernières séances de la troisième classe de l’Institut national, j'avais fait la connaissance de Chénier. Ce que j'entends dire des tracasseries dont il est l’objet, à cause dé ses opinions républicaines et de son hostilité contre le clergé ; de sa santé maladive, de sa gêne pécuniaire si grande qu'il en serait réduit à vivre de ce que lui rapporte son Fénelon, repris en ce moment aux Français, tout cela m’a déterminé à relire, avant d’aller à une de ces représentations, le drame qui vient de paraître en nouvelle édition avec une préface vraiment hardie par le temps qui court. La lecture préalable est du reste toujours utile pour l’intelligence d’une pièce; à moins que l’on ne préfère, comme je le vois faire à beaucoup de gens et comme je fais moi-même pour les « nouveautés », suivre les acteurs le texte en main.

Vous vous rappelez peut-être la spirituelle et vive satire : Les nouveaux saints (1), que Chénier fit paraitre lan

(4) Le déiste Chénier, qui remplace souvent les grandes idées par

les grands mots, est assez malicieusement inspiré, dans sa Satire. La Harpe, l’autocrate de la critique,

un court vieillard A la voix glapissante, au ton sec et braillard,

pontifie :