Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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l’Europe moderne, à commencer par l’empereur Constantin. Point de prêtres chrétiens, niles vicieux, ni méme ceux qui seraient présentés comme des modèles de vertu. Peu d'histoire; beaucoup de héros fabuleux, de mythologie antique, d’intrigues d'amour. Ne jamais parler de liberté, de tyrannie, de superstition. Bannir sévèrement du théâtre la philosophie et même les sentences morales. On n’y va point pour s'éclairer, mais seulement pour se divertir. La conclusion de ces juges souverains est de condamner Fart dramatique à ne produire qu’un plaisir insignifiant. » Il montre que les Grecs, inventeurs de la tragédie, en avaient fait un spectacle politique et religieux ; que leurs héros, tyrans fabuleux pour nous, étaient pour eux des coupables couronnés; que les faux dieux que leurs tragédies font non seulement agir, mais paraître en personne sur la scène, étaient les divinités honorées dans les temples ; que les principes de la morale inspiraient le chœur et dictaient le langage des autres personnages tragiques. Plus loin, il établit que l’ancienne comédie grecque avait, comme la tragédie, un caractère politique : « Ce n’était pas, ditl, seulement les dieux du paganisme qu’Aristophane faisait agir et parler d’une manière ridicule ; les bons chrétiens lui en sauraient gré! Ce n’était pas seulement Euripide et Socrate vivants qu’il outrageait, en les jouant sous leur propre nom; les adversaires de la philosophie lui feraient grâce. Mais il insultait encore Périclès, Alcibiade, Cléon, les magistrats, les juges, les généraux, les chefs de l'État. » Il montre que, lorsque les écarts de l’ancienne comédie eurent été réprimés par les lois, la nouvelle comédie devint toute philosophique. Après avoir traité, au même point de vue, du théâtre chez les Romains et des premiers essais dramatiques chez les modernes de la Renaissance, il passe aux