Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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chefs-d’œuvre espagnols et anglais, et arrive à Corneille et à Racine. Mentionnant Afhalie : « Je ne veux, écrit-il, attaquer ni justifier le choix du sujet d’Athalie ; mais, près de l’enfant-roi, près du pontife prophète, ne voit-on pas une reine exécrable, un prêtre infâme, altérés du sang innocent? »

Au sujet de Molière, Chénier insiste sur l’étonnante audace de ses tableaux : « Sous une monarchie, il ne fit point, comme la plupart des poètes comiques, un traité secret avec la vanité des gens du beau monde. Il ne flatta point leurs portraits ; il ne leur immola point les classes inférieures; il attaqua le vice où il régnait et puisa le ridicule au plus haut de sa source. Dans le Bourgeois gentilhomme, les vices de cour vivent aux dépens des ridicules en roture; dans George Dandin, les ridicules sont partagés : la classe privilégiée garde le privilège du vice. Molière poursuit le charlatanisme chez les médecins du roi, chez les beaux esprits accrédités, chez les femmes considérées et puissantes, à l'hôtel Rambouillet, à l’Académie française. Tous les genres de fausseté sont mis en jeu dansle Misanthrope et tous les personnages sont de la Cour. N’est-il pas aussi du grand monde, ce débauché Don Juan qui, après avoir porté la désolation dans vingt familles, se propose de contrefaire le dévotet trace le portrait vigoureux et fidèle de l’athée hypocrite? Dans Tartufe, Vimbécile Orgon n'est-il pas un homme de la haute robe ? »

Chénier prend naturellement la défense de Voltaire contre ses nouveaux contradicteurs : « Voltaire, dit-il, attaque de front les préjugés, quelquefois la tyrannie politique, toujours la tyrannie sacrée. » Et faisant allusion à Fénelon réédité, il écrit : « L'intérêt qu'inspire cette pièce est le résultat d’une morale pure, conforme aux