Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

174 UN HIVER À PARIS

sentiments du philosophe illustre que je fais agir et parler, commune aux différentes sectes, étrangère aux dogmes religieux, humaine et faite pour les hommes. »

Après avoir expliqué pourquoi il adresse son épître à un homme de lettres, il conclut : « Les gens des lettres, ceux qui méritent ce nom, sentiront de plus en plus que l'indépendance convient seule à l’auguste profession qu'ils exercent. Ils réserveront désormais pour l'amitié modeste, éclairée et vertueuse, des hommages prostitués longtemps à l’orgueil sans fierté, à la richesse sans lumières et au pouvoir sans vertu. »

Si je m'étends à propos de cette préface, c’est parce qu'elle fait sensation. On la tient pour le testament littéraire d’un homme sur sa fin, qui hasarde beaucoup parce qu'il risque peu, et l’on est stupéfait de sa hardiesse. L'incident pourra d’ailleurs vous servir d'indice pour apprécier l’état de prostration de l'opinion et juger des entraves mises à la liberté.

Je serai bref sur la pièce. C’est une tragédie romanesque dont les éléments, pris dans la vie monastique et le despotisme clérical, ont déjà été souvent mis en œuvre, soit en vers, soit même dans la prose, par Diderot d’une manière plus poétique. On y trouve de beaux passages, des vers bien frappés, et la peinture du caractère doux et humain de Fénelon est méritoire, si l’on songe que Chénier à osé le transporter sur la scène à l’époque de la plus violente tyrannie démagogique. Alors aussi, sa pièce était précédée d’une préface dans laquelle il attaquait la faction terroriste. On peut critiquer ses opinions, on ne saurait nier SOn courage.

Peu de chose à dire de la manière dont Fénelon est joué. Le vieux Monvel saisit en général et rend bien la figure sympathique du prélat; mais sa déclamation a