Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 177

autres entreprises de spectacles, il dirigeait aussi quelques orchestres. L'alerte et jovial Arlequin est son fils aîné, auteur de la pièce ; c’est son second fils qui accompagnait si bien de la harpe. Leur mère, petite femme alerte et remuante, caissière et costumière de la troupe, nous avait placés, mon compagnon Gossec et moi, dans sa meilleure loge ; de temps à autre, elle nous jetait un coup d'œil d'intelligence de derrière les coulisses, afin de juger de notre impression. Foignet m'a fait visiter tous les coins et recoins de son théâtre; il m’a parlé de ses espérances d'avenir et m'a présenté sa progéniture, barbouillée de blanc et de rouge, en tête, son librettiste ordinaire, l’Arlequin, coryphée de la bande. Il s’est passé là, autour de moi, au milieu de ce petit peuple s’agitant dans des coulisses grandes comme la main, derrière un rideau glissant sur une tringle, une scène joyeusement tumultueuse, digne d’un peintre de genre. Ce théâtre en miniature a un petit foyer avec balcon sur le beau boulevard ; il est très en faveur en ce moment; voilà quelques mois que l’on donne le Chat botté plusieurs fois par semaine.

Arlequin vous servira d’introducteur auprès du signor Furioso, autre personnage accompli dans son genre. J'ai vu bien des danseurs de corde, en Angleterre et en Italie, je n’en ai jamais rencontré déployant la souplesse et la grâce du signor Furioso; en vérité, 1l m'a fait meilleur effet sur sa corde que Vestris sur ses planches! Son Paglyaso ne lui est guère inférieur : stimulé par l'individu qui représente le Barbon de la troupe, il singe très plaisamment son patron avec une gaucherie affectée, impliquant beaucoup d’adresse, et se montre inépuisable en facéties désopilantes. Tous ces gaillards-là exécutent leurs tours avec une aisance et une sûreté extraordi-

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