Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

178 UN HIVER A PARIS

naires. Furioso est installé naturellement (1) dans une des plus jolies salles de Paris, celle qui a été construite rue de la Victoire, à l’époque où Bonaparte habitait encore ce quartier.

L'ancienne maison du général transformée est devenue l’élégant logis de Louis Bonaparte. J’y vais assez souvent faire de la musique avec sa femme, qui la sent et la comprend (2). Son frère, le jeune Beauharnais, colonel des Guides (3), a aussi d’heureuses dispositions : il chante agréablement d’une jolie voix de basse les airs bouffes italiens, sans avoir sérieusement étudié la musique.

Dimanche dernier, dans la matinée, j'ai de nouveau assisté au concert hebdomadaire des élèves du Conservatoire : une clarinette, une flûte, un basson et un cor se sont fait entendre comme solistes. Le basson a été particulièrement remarquable ; jamais je n'ai entendu un débutant faire preuve d'autant de netteté et de sûreté; son jeu m’a rappelé l'exécution magistrale de Ritter. Un jeune violoniste s’est aussi montré supérieur; au sangfroid et à la sûreté d’archet, il unissait une bravura pleine de fougue. Un élève nommé Roland (4) a bien dit une

(4) Précédemment, « le citoyen Pierre Furioso » avait donné ses représentations au Théâtre des troubadours, petite scène de la rue Louvois. On trouve régulièrement ses annonces dans les journaux du temps.

(2) Rue Chantereine (devenue rue de la Victoire). Hortense était mariée depuis le 3 janvier 1802. C'est à cette époque qu'elle composa ses premières romances, notamment le Beau Dunois. Le recueil parut quelques années plus tard sous le titre : Romances mises en musique par S. M. L. R. H. (Sa Majesté la Reine Hortense), in-4° oblong gravé.

(3) Il venait d'être promu colonel de la garde consulaire.

(4) Roland, élève de Garat, a eu plus tard de la réputation comme ténor d'opéra. — Le mérite du « jeune violoniste » n'a pas lieu de surprendre, si l'on remarque que son professeur était Baïllot (Pierre), suécesseur, au Conservatoire, de Gaviniès, le Tartini français, mort en septembre 1800.