Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 491

volumes, sous le titre : la Vérité (1). À défaut d’autre mérite, ce travail témoigne du moins d’un amour réel de l'humanité et du désir de propager les bonnes méthodes. J'ai été assez heureux pour éviter pendant ma visite toute allusion à la perte de cette fille chérie à laquelle Grétry (2) consacre dans ses Mémoires un chapitre si touchant. Le souvenir de cette douleur, la vue de ce père d’une nature fine et sensible, de cette mère énergique et vive, de ces pauvres parents qui avaient concentré leur bonheur sur l'enfant qu’ils ont perdue, m'ont profondément émotionné. Il leur reste une fille; elle était absente et l’on en a peu parlé.

L’excellent Monsigny, lui aussi très à son aise naguère, est dans une situation plus génée que Grétry; pour comble de malheur, la cataracte l’a rendu presque aveugle. Il était venu me voir le premier ; je me suis empressé de lui rendre sa politesse. Son logement, dans un quartier très éloigné, semble indiquer des ressources extrémement restreintes (3). De tous ses opéras, le Déserteur

(1) Ge livre publié sous le titre ambitieux : la Vérité, ou Ce que nous fümes, ce que nous sommes, ce que nous devrions être, confirme le proverbe : Ne sutor ultra crepidam! La philosophie, comme la science harmonique, sont restées lettre close pour l’aimable maître dont on a dit: « Il fait les portraits ressemblants, mais il ne sait pas les peindre. »

(2) Grétry (Lucile), née en 1770, morte en 1793, avait composé, à l’âge de treize ans, une opérette : le Mariage d'Antonio, jouée avee succès à la Comédie-ltalienne (Opéra-Comique), en 1786. L'année suivante, elle avait donné au même théâtre Toinette et Louis, qui fut moins bien accueilli.

(3) En 1798, les comédiens sociétaires de l'Opéra - Comique avaient offert à Monsigny, en reconnaissance des belles recettes produites antérieurement par ses œuvres, une pension viagère de deux mille quatre cents francs. En 1800, il avait remplacé Piccinni, comme inspecteur au Conservatoire; mais il allait donner sa démission en 4803, ne se jugeant plus capable de remplir consciencieusement son emploi. Honnète et rare désintéressement, bon à citer!